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Le blogueur politique est-il une quiche versatile ?

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Ou : exposition publique de délibérations internes. Ou encore : ça pisse pas loin mais vous aurez pas mieux pour aujourd’hui.

Prenez Christophe Ginisty. Christophe Ginisty s’est fait connaître sur le Net, avec des aventures telles que Pointblog et Netizen. Durant la campagne présidentielle dernière, après avoir montré une inclination grandissante pour François Bayrou, il le rallie avec force éclat et annonce sur son blog. Probablement déçu de constater que le grand soir démocratique et parlementariste ne commençait même pas par une joyeuse veillée en interne, il l’a annoncé : exit le Modem, en toute amitié bien sûr.

« Ce qui s’est passé en 2007 était incroyable et stimulant. (…) Le principe de réalité a eu raison de cet espoir. Point de politique autrement mais une bonne vieille série de recettes et de combines d’autrefois maladroitement dissimulées derrière des discours qui deviennent pathétiques à force de se répéter. Des dirigeants qui ne respectent pas leurs propres cadres, une structure qui ne respecte pas ses propres statuts, qui se moque du fait démocratique comme de sa première chemise, qui recrée un système oligarchique fait de complaisance et de courtisanerie. Des nominations à la tête du client et des abus de pouvoir en pagaille au service d’un seul et unique objectif. »

Cette dernière déclaration, récente puisqu’elle ne date que de la semaine dernière, m’en a rappelé d’autres…

Voyez Quitterie Delmas. Forte de l’effet qu’elle faisait aux hommes, cette jeune femme dynamique était l’égérie de François Bayrou sur le Net. Avec moultes hyperboles et le soutien putatif de quelque substance hilarante, elle décrivait, enthousiaste, un avenir meilleur : les hommes un jour sauraient la vérité, le lion s’étendrait près de l’agneau, nous fondrions les perches pour des faux, les sabres pour des herses et voterions pour François Bayrou. Las, la vérité était ailleurs, et elle l’annonçait publiquement sur son blog. Il y eut des pleurs et des grincements de dent.

« Je refuse de porter sur mes épaules l’image d’une classe politique dont je n’attends plus rien moi-même. Pas tous évidemment, mais ce que le système en a fait. Je ne veux pas devenir comme eux. Je ne veux pas cautionner leur système, je ne veux pas être un alibi jeune dans un milieu qui méprise, depuis 30 ans, notre génération et celles qui arrivent. Eux qui décident à notre place, à qui nous avons délégué bien trop, et qui fatalement nous déçoivent tellement. »

Prenez Dagrouik. On connut d’abord Dagrouik comme un troll d’Embruns. Mais il s’accrocha, guerroya, et mis sur pied l’un des sites soutiens à Ségolène Royal les plus visibles. Il pourfendait vaillamment le sarkozyste, ne reculant pas devant la violence de l’attaque. Mais l’homme avait un coeur, il découvrait sa part féminine en soutenant les fumisteries participatives. Eh bien, il ne s’est pas dérobé : paf, Royal, un coup de pelle, il l’a enterrée d’un billet au titre explicite, « DA 2006-2009 RIP« .

« Voici en une capture d’écran un bilan, d’un truc qui a donné de l’espoir et fait croire en l’avenir à des milliers de militants. Nous avons été l’objet de quolibets de la part de pénibles, et désormais cela s’accentue. Il parait aussi qu’il faut que je m’achète une éthique. J’en ai gros sur la patate. »

Voyez Thomas Lecourbe. Ancien militant de Désirs d’Avenir, salarié de la Netscouade, qui a géré la stratégie Internet de Ségolène Royal, Thomas Lecourbe, a connu récemment une petite renommée, et la home du figaro.fr, en mettant publiquement sa flamme sous le boisseau. C’en était fini de Ségolène. Le désamour. « Un beau gâchis« .

« Incapable de se créer des loyautés, car peu loyale elle même, elle se retrouve isolée assez justement par tous ceux qui un jour ont cru en elle. Il s’agit de ses soutiens politiques certes, volages, mais surtout de son entourage proche. Ce second entourage est plus révélateur, car on ne saurait suspectés ceux là d’être attirés par la lumière à laquelle ils n’ont d’ailleurs jamais prétendu. Cette distance, au delà d’une attitude parfois ingrate, est surtout provoquée par un autre facteur : depuis deux ans, elle ne travaille pas. »

Vous me direz qu’il en manque…

Des blogueurs sarkozystes, peut-être ? Eh bien, c’est que ça ne se bousculait pas au portillon, à l’époque de la campagne. Ce fut un inconvénient, non dirimant1, c’est aujourd’hui un avantage : il n’y en a pas 12 pour claquer la porte. Moi ? Je n’oublie pas mon soutien, ni ne le renie, pas plus que je ne contesterais ma tiédeur actuelle sans concéder pour autant une désaffection véritable. Certains sauront, d’ailleurs, se souvenir de quelques billets critiques. Mais là n’est pas le propos.

Notez tout de même que, s’il est dans la nature des choses que les rangs des soutiens au pouvoir se clairsèment au fur et à mesure de l’accumulation inéluctable des difficultés, il est tout de même plus original que des opposants, dans la posture facile qui est la leur, suscitent la déception.

*

Du coup, ça m’a interpellé : est-ce que, par hasard, nous ne serions pas fiables ?

L’idée m’est venue, sous la douche, que l' »opération blogueur » pourrait paraître trop risquée et la matière, instable. Oui, j’ai pensé à Christophe Ginisty sous ma douche. A Quitterie Delmas, aussi. Je me suis figuré les politiques, échaudés par ces défections bruyantes.  Et je me suis laissé aller à quelques généralités. Tant pis pour les singularités de chacun : j’ai pas que ça à foutre.

Ces blogueurs n’ont-ils simplement pas obtenu les postes qu’ils espéraient ? Se sont-ils tout bonnement cassés les dents sur le principe de réalité ? On ne peut pas ignorer la fraîcheur ou la naïveté, réelle ou affectée, qu’ils mettaient en avant pour expliquer leur engagement. François, Ségolène, étaient le « renouveau« , ils « cassaient les codes« . On allait instaurer une nouvelle démocratie. « Plus rien ne sera comme avant » pouvait-on même lire, textuellement, chez certains. Et ouais, on allait « changer le monde« . Alors que tous les gens raisonnables savent que, pour ça, il faut voir  Obama.2

Alors, pourquoi ces reflux bravaches ? Serait-ce le lot de tout engagement en politique, l’exaltation, figure imposée du jeune militant, ou serait-ce propre au militant numérique venant insuffler un peu du vent de folie et de l’imagination impétueuse du web dans un monde politique figé ? Ou est-ce que leur enthousiasme leur a masqué la réalité de deux apparatchiks simulant la puberté politique ? Ces défections ne sont-elles que la marque d’un reflux classique post-présidentielles ? La partie visible d’un phénomène plus large mais habituellement anonyme ?

Tiens, ça me souvient3 de cette vieille polémique : août 2006, l’UMP invitait des blogueurs politiques à son Université d’Eté. Parce que les blogs se nourrissent de polémiques, ils se sont agités longuement sur cette OPA présumée. Je note déjà que bien peu d’entre eux ont effectivement succombé à la gratitude servile en faisant ensuite une bruyante retape pour Nicolas Sarkozy. Voilà qui invaliderait les critiques sur l’absence d’indépendance, de distanciation des blogueurs.

Tant que j’y pense, je pense aussi aux blogueurs marketing, business. Finalement, tout ce que les agences de com’ expliquent aux marques sur l’instabilité – au sens explosif – du blogueur, pourquoi ne s’appliquerait-il pas aussi aux blogueurs politiques ? A plus long terme, peut-être, parce qu’on s’attache plus à un politique qu’à un téléphone. Tiens, d’ailleurs, au moment où les blogueurs marketo-geeks s’affolent sur leur pratique du billet sponsorisé, on notera qu’il est plus malaisé de s’attacher un blogueur politique.

Et puis tiens, je me dis aussi que le blogueur politique, s’il a une audience, a goûté d’une autre agora. Et comme il s’est créé seul, qu’il a patiemment monté son blog avec force bouts de codes et réflexions personnelles, il se trouve bien moins dépendant, dans son appétit de politique, d’un parti.

Peut-être, alors, le blogueur politique n’est-il pas versatile. Comme ça, là, vite vu, il pourrait paraître un poil changeant. Mais il serait fidèle à sa nature profonde. Celle d’une personne singulière, éprise de débat public, mais qui a fait le choix d’une prise de parole en dehors des appareils. Alors, si sa nature le porte à l’orée de l’engagement politique, ce ne sera qu’avec, en lui-même, la nostalgie de sa parfaite indépendance.

Peut-être. Ou pas.

Ce qui ne l’empêche pas, le cas échéant, d’être une quiche.

crédit photo : Gilmoth

  1. « dirimant » », c’est pour enrichir le vocabulaire des gauchistes
  2. Ceci étant écrit, je me précipite sur mes archives pour vérifier dans quelle mesure je n’ai pas proclamé que nous allions passé de l’ombre à la lumière, comme un certain Laignel, en votant Sarko. Mais non.
  3. si je veux

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